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Les exportations reculent sur les trois premiers marchés de l'horlogerie suisse. A Hongkong, les vendeurs veulent malgré tout croire à une stabilisation au deuxième trimestre
De Central à Causeway Bay en passant par Canton Road, les regards perdus des vendeurs dans leur boutique déserte en disent long sur l’état des ventes horlogères à Hongkong. Les chiffres publiés jeudi confirment que le premier marché pour les montres suisses ne se redresse pas. En janvier, les exportations y ont chuté de 33,1% par rapport au même mois de 2015. Il s’agit du «douzième mois consécutif de forte baisse», a relevé jeudi la Fédération horlogère (FH).
En fin d’année, les statistiques laissaient penser qu’une accalmie se préparait. «Les ventes de Noël ont finalement été décevantes, tranche Sébastien Cretegny, responsable des ventes et du marketing en Asie chez l’horloger genevois Frédérique Constant. Une correction, des stocks en particulier, s’est probablement produite en janvier.» La nouvelle chute «n’est donc pas une surprise», estime l’horloger installé à Hong Kong.
Le deuxième marché, les Etats-Unis, a lui aussi commencé l’année en baisse (-13,7%), comptabilisant ainsi un «cinquième mois en recul», selon la FH. Après une progression en décembre, la Chine, troisième marché, a légèrement viré au rouge. Au final, les exportations totales de montres ont décliné de 8%.
Tout n’est pourtant pas noir. La FH relève que l’Europe tient bon et que le Japon, quatrième marché d’exportation, «a très bien progressé» (+35,8%). Le contraste avec Hong Kong reflète la dynamique des ventes. En Chine, la mauvaise conjoncture et la lutte contre la corruption freinent les dépenses, alors que la faiblesse du yen rend les prix à Tokyo 20% moins cher qu’à Hongkong.
Pas de relais à la Chine
Les montres suisses subissent les difficultés du luxe en Asie, ajoute Aaron Fischer. Selon le spécialiste de la consommation du courtier chinois CLSA, «la progression à deux chiffres des cinq-six dernières années appartient au passé. Aucun nouveau grand marché, ne peut pour l’heure prendre le relais de la Chine.» Fortune Character Group, un cabinet d’étude de Pékin, a calculé que les Chinois ont acheté près de la moitié des biens de luxe vendus dans le monde en 2015.
Signe de cette nouvelle ère, des boutiques horlogères hongkongaises ont commencé à fermer après des années d’ouvertures à la chaîne. «Il y en a trop à Hongkong, c’est évident, relativise Aaron Fischer. Si davantage ferment, ce sera en réalité une bonne chose. Les visiteurs auront un plus grand choix de commerces.»
Autre indication du changement en cours, le salon Watches &Wonders, pendant hongkongais du SIHH de Genève, change de formule, a annoncé cette semaine la Fondation de la haute horlogerie. Il ne se tiendra plus chaque mois de septembre, mais tous les deux ans.
2016 sera stable, voire un peu meilleure
Par ailleurs, les loyers, les plus chers au monde, commencent à baisser, jusqu’à 30% voire davantage selon les emplacements. Ce mouvement, qu’Aaron Fischer estime progressif en raison de baux souvent négociés pour trois ans, va compenser une partie de la baisse des recettes.
«Nous savons que l’ère de la forte croissance est révolue, admet Esther Wong, la directrice de la Fédération des distributeurs hongkongais de montres. Toutefois, nos membres s’attendent à ce que 2016 soit plus stable que 2015, et voire un peu meilleure au cours du second semestre.» Ajoutant que la situation peut beaucoup varier d’un membre à l’autre.
Sébastien Cretegny ne croit pas non plus que le recul de janvier «sera la norme en 2016. La consolidation en cours devrait finir par stabiliser le marché.» Pour ce qui est de Frédérique Constant à Hongkong, le mois dernier a été «légèrement en hausse. En 2015, les ventes avaient augmenté de 13%», se réjouit l’horloger. Il reconnaît que «le marché est en contraction mais nous en avons réussi à en gagner des parts grâce au lancement de notre montre connectée, le positionnement de nos prix (relativement accessibles) et nos actions marketing.»
Hongkong conserve son pouvoir d’attraction, défend Esther Wong. Grâce à son centre financier ou des prix toujours sensiblement inférieurs à ceux pratiqués en Chine qui applique la TVA et des taxes à l’importation. «Je ne suis donc pas trop inquiète», déclare-t-elle.
Enfin, l’image de stabilité de Hongkong jouera aussi un rôle pour continuer d’attirer les Chinois. Or les émeutes la semaine passée, les plus violentes depuis les années 1960, témoignent des tensions politiques et sociales croissantes.
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