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Au Salon de Genève, des montres fantasmagoriques
 
Le 26-01-2016
de SOJH® - News des expositions

Plus que les autres salons horlogers, le SIHH – qui ­a clos ses portes le vendredi 22 janvier – accueille à Genève des marques haut de gamme, voire franchement ésotériques. Un lieu de rêve, pas seulement au sens où de grands noms comme Cartier ou Piaget déclenchent les fantasmes. Ce salon est l’occasion d’exprimer une créativité mécanique à forte concentration et de haute intensité.

Cette année, on y a donc vu, comme à l’accoutumée, pléthore de pièces que l’on appelle compliquées, c’est-à-dire présentant de nombreuses indications, permises par des mouvements mécaniques très complexes.

C’est ainsi que le meilleur de cette industrie s’exprime. Elle repousse ses limites, rend hommage aux plus grandes pages de son histoire, y démontre son talent qui consiste à la fois à imaginer des solutions nouvelles et à revoir des mécanismes classiques, bicentenaires et d’une finesse extrême. Les horlogers rêvent de laisser leur empreinte sur leur petit monde. Pas si petit si l’on regarde les quantités proposées. Car ces montres se négocient à des tarifs allant généralement au-delà des 150 000 euros, à l’exclusion des pièces joaillières serties.

Une qualité hors du commun

Plus de trente modèles du genre ont été présentés lors de ce salon, à peine moins que les autres années, pour une production cumulée qui dépasse les mille unités. Preuve qu’un public extrêmement fortuné ne recule toujours pas face à de tels montants.

Il faut dire que la montre à complications ne transige pas avec la qualité. L’objet ne peut être que complexe, fiable, précieux et l’ensemble de ses composants, internes comme externes, se doit de présenter des surfaces soigneusement polies, satinées et autres traitements artisanaux fortement consommateurs de main-d’œuvre qualifiée. Mais le résultat est, pour qui y est sensible, époustouflant.

Royal Oak Concept par Audemars Piguet. Royal Oak Concept par Audemars Piguet. D.R.
Audemars Piguet a ainsi revu le fonctionnement de ses montres à répétition minute, qui sonnent l’heure à la demande. La Royal Oak Concept Supersonnerie concentre nombre d’innovations dont une table harmonique en alliage de cuivre, inspirée de la lutherie, qui amplifie et enrichit le tintement des heures, assistée par des ouïes percées dans son double fond.

Cette pièce adopte un design mécaniste et hyperbolique, qui est à l’opposé du style de A. Lange & Söhne. La marque allemande, une des mieux-disantes en termes de finitions, présentait un tourbillon chronographe à calendrier perpétuel, la Datograph Perpetual Tourbillon. Son mouvement est comme son cadran : un entrelacs de détails dans lequel on se perd avec plaisir, parfaitement classique. C’est ce chemin qu’emprunte Parmigiani. La marque fête ses 20 ans avec la Tonda Chrono, chronographe à rattrapante au mouvement en or selon la plus auguste des traditions, un bijou de mécanique de précision à l’élégance impeccable.

Le style ultrasport, ultracompliqué, a le vent en poupe et met en avant la mécanique à travers des cadrans transparents. Le mouvement devient un langage esthétique qui dit la valeur et la rareté. Richard Mille pratique ces codes avec bonheur, y compris dans la montre issue de son nouveau partenariat avec Airbus Corporate Jet, fabricant d’avions privés sur-mesure. La RM 50-02 ACJ à la forme d’une section de carlingue ponctuée d’un hublot abrite un calibre étourdissant construit en titane, logé dans une boîte en céramique et titane-aluminium, dont le tarif pratique le vol stratosphérique.

Greubel Forsey met en avant son exigence sur la construction, la mécanique et la bienfacture. La Double Balancier met à nu son fonctionnement, ses composants mais surtout leur architecture, composition tridimensionnelle, symétrique et hypnotique. Car dans ces hautes sphères, il faut lire la fonction dans la structure, comme dans un bâtiment. Et pour imposer l’intensité créative de sa vision, l’horloger la met en scène. De cette théâtralisation naissent des montres expressives, fouillées, parfois déroutantes et qui incarnent le summum de l’horlogerie.

Les allumés du rouage

Bienvenue chez les doux dingues de l’horlogerie ! Elles étaient au nombre de neuf, neuf marques de petite taille, jeunes, indépendantes et qui ont en commun une approche décomplexée du métier. Arrivées cette année au Salon international de la haute horlogerie, elles occupent le carré des Horlogers, un espace qui leur est réservé. Certaines pratiquent l’horlogerie à la main, comme Laurent Ferrier ou Voutilainen. D’autres explorent la complication innovante comme DeBethune et sa DB25 World Traveller, qui repense l’affichage des heures universelles, ces montres qui indiquent l’heure qu’il est partout sur la planète d’un seul coup d’œil.

D’autres encore ont abandonné les codes de l'horlogerie traditionnelle et inventent des formes folles, comme la HM6 SV de MB & F. Cette petite marque est connue pour ses pièces aux volumes issus d’un fantasme de science-fiction allié à une extrême exigence mécanique. La HM6, inspirée par l’univers de Capitaine Flam, est ici protégée par une boîte en verre saphir transparent tridimensionnel avec vue imprenable sur un mouvement au look de rover lunaire.

Les derniers sont de vrais fous, comme HYT. Non contents d’indiquer l’heure par un fluide fluorescent qui avance dans un microtube, elle a logé une dynamo et une ampoule à LED pour éclairer le mouvement de sa H4 de l’intérieur. Comme pour tous ces allumés du rouage, le résultat est fou, amusant, décalé et au final, pertinent.

David Chokron
lemonde.fr

 



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